Dieu éprouve notre foi
Il m’apparaît très clairement que lorsqu’on a décidé de mettre Dieu dans sa vie, Dieu a besoin de savoir si c’est réellement Lui que nous avons choisi. Au départ, il nous apparaît qu’Il vient déranger beaucoup de choses, et nous constatons, par la suite, qu’Il est venu les arranger. Son action ressemble à quelqu’un qui entreprend de faire du ménage et voilà que de la visite arrive au moment où les meubles sont déplacés; on voit la poussière un peu partout à l’endroit des meubles, on voit les plaques jaunes là où étaient les cadres, etc. Le pauvre type est plongé dans une situation fort désagréable. Mais, par contre, une fois le ménage terminé, il se retrouve plus heureux et apprécie davantage sa demeure. Voilà, à mon sens, ce que Dieu fait dans notre vie.
Dans mon cas, je peux dire qu’à partir du moment où j’ai décidé de mettre Dieu dans l’entreprise, cette période d’épreuve de ma foi a duré sept ans. Ma très grande fierté dans l’entreprise était d’avoir gardé mes vendeurs. Je me souviens d’avoir fait un calcul pour établir qu’après quinze ans d’administration, 50% des gens que j’avais engagés dans la vente d’assurance-vie étaient à mon emploi. Je me disais : il n’y a sûrement pas un autre gérant qui peut se vanter d’une telle performance. Et voilà qu’à partir du moment où j’ai commencé à vouloir évangéliser à l’intérieur de mon entreprise, de parler davantage de Dieu, les problèmes ont commencé. J’ai vu beaucoup de mes vendeurs me quitter et, chaque fois, c’était pour moi une nouvelle affliction. Je me souviens entre autres, d’un des derniers de la première équipe à mon emploi. Subissant l’influence de ceux qui étaient partis, il s’interrogeait s’il devait demeurer. Il est allé passer une fin de semaine chez les Pères Trinitaires pour y réfléchir; d’ailleurs, dans les tout débuts de mon cheminement spirituel, nous avions fait, à cet endroit, une fin de semaine avec lui et son épouse. Voilà que durant mes vacances, il m’appelle pour me demander une rencontre. Je lui réponds : « Je suis en vacances, est-ce possible d’attendre ? » Et lui de me répondre : « C’est bien important que je vous voie rapidement. » Alors j’ai accepté de le recevoir au chalet. Il me dit avoir fait un discernement et que sa décision était prise, il me quittait. Moi de lui répondre : « Si c’était là le but de ta visite, tu aurais pu attendre que mes vacances soient terminées. » Après son départ, j’avais réellement de la difficulté à accepter cette situation, car, dans le passé, on m’avait dit que Dieu me portait sur ses épaules comme un berger porte son agneau pour le protéger contre les loups. Je trouve bien normal que si je veux faire du bien le malin s’attaque à moi. Mais considérant que mon vendeur était allé chercher cette confirmation à l’endroit même où j’avais été le plus rejoint sur le plan spirituel, je m’interrogeai doublement. J’avais un peu l’impression de vivre ce qui nous est raconté dans l’histoire du peuple hébreu, le jour où il récriminait ainsi : « C’est maintenant Dieu qui combat contre nous ». Le lendemain matin, je suis allé rencontrer une bonne religieuse, une grande mystique aveugle, Soeur Charles-Arthur, à la maison Rivier, pour lui raconter ce que je vivais. Elle m’a écouté avec beaucoup d’attention et, d’une façon très sereine, me regardant sans me voir, me dit : « Mais c’est extraordinaire ce que vous vivez là » et de reprendre : « C’est extraordinaire, vous avez là la preuve que Dieu vous aime; et la seule façon qu’Il peut vous approcher de Lui, qu’Il peut vous unir à Lui, c’est à travers les souffrances et les difficultés. Allez-vous les refuser ? » Après une pause, elle reprend la question : « Allez-vous les refuser ? » J’ai dit : « Non, non, ma soeur, je vais les accepter. » Je suis reparti, confiant que je vivais quelque chose d’important dans ma vie, mais difficile à comprendre. Je veux aussi mentionner que tout au cours de cette période difficile de contestation, vécue à l’intérieur de mon entreprise, pendant sept ans, même si les profits n’étaient pas élevés, nous n’avons jamais fait de pertes. J’étais toujours accompagné d’une très grande paix intérieure, et ce n’est qu’à la fin de la septième année que j’ai compris le pourquoi de tout cela.
Le vendredi 23 avril 1982 coïncidait avec mon trentième anniversaire dans le domaine des assurances. Élisabeth et les enfants avaient tenu à m’organiser une petite fête avec les gens du milieu de l’assurance. Le lundi suivant, soit le 26 avril 1982, les deux filles, Sylvie et Édith venaient travailler à plein temps avec moi, dans l’entreprise. Julien qui travaillait à temps partiel et qui avait pratiquement terminé son cours commençait lui aussi à temps plein. Trente ans de vie professionnelle, trois enfants qui entraient dans l’entreprise le même matin! C’était pour moi la plus belle récompense de ma vie. Je pense qu’il n’y a pas de plus grande joie pour un type qui bâtit une entreprise de voir ses enfants se joindre à lui. Dieu leur avait préparé une place. S’il n’y avait pas eu autant de changements, autant de départs, mes enfants ne seraient probablement jamais venus dans l’entreprise et, s’ils y étaient venus, probablement qu’ils ne seraient pas restés, car ils auraient été « démolis » par les autres. Dieu avait tout arrangé, contre ma volonté et lorsque j’y pense, je trouve cela de toute beauté. Très souvent, ces souffrances peuvent se comparer à la nuit, la période qui précède l’aurore est la plus noire; de même, lorsque nous sommes dans la période la plus obscure, nous sommes aussi le plus près du jour. On peut aussi comparer cela à la femme qui donne naissance à un enfant. Après neuf mois de grossesse, étant fatiguée de porter l’enfant, voilà que les douleurs commencent, elles sont de plus en plus rapprochées et de plus en plus violentes. Mais plus les douleurs sont rapprochées et plus fortes, plus la naissance est proche. Lorsque le bébé arrive, elle est tellement heureuse d’avoir donné naissance à un enfant qu’elle oublie avoir souffert. Je pense que c’est à peu près la situation, le chemin que Dieu nous fait vivre pour Lui prouver notre foi, et c’est par ces périodes difficiles que nous en arrivons à atteindre de nouveaux sommets.